Une campagne de polémique, et de recyclage !

Par Renaud Toffier

 

Les candidats à la présidentielle sont écologiques sans le savoir. Ce qu’ils recyclent, ce sont leurs propositions, leurs idées, leurs projets pour la France. A quelques jours du premier tour, la campagne se noie dans les petites phrases, les joutes verbales, et parfois… dans des propositions vieilles de plusieurs années.

 

Difficile d’établir un palmarès des meilleures “annonces recyclées” des prétendants à l’Elysée, tant les exemples sont nombreux. Ainsi, François Hollande osait le 15 mars proposer une action concrète contre l’immigration illégale, sujet sensible au Parti Socialiste.

 

“Il y aura une brigade spécialisée de lutte contre les filières clandestines, les passeurs, parce que c’est là que nous devons agir”.

 

En effet M. Hollande, un tel organisme existe déjà… depuis 16 ans, à savoir l’OCRIEST (Office Central pour la Répression de l’Immigration Irrégulière et de l’Emploi d’étrangers sans Titre). Afin de certifier l’initiative du label Recylée, jetons un simple coup d’oeil sur la mission première de l’OCRIEST : “animer la lutte contre les filières d’immigration irrégulière opérant sur le territoire national”. Vouloir renforcer cet organisme est une idée, le créer est un manque de considération pour les électeurs.

 

Nicolas Sarkozy  est également loin de rendre une copie parfaite. Ses propositions concernant les professeurs “qui veulent travailler davantage” sont presque mot à mot les mêmes qu’en 2007. Le Président-candidat répondrait surement, comme sur le plateau de Laurence Ferrari, le jour de l’annonce de sa candidature : “en cinq ans, on ne peut pas tout faire”… Pourquoi le ferait-il lors de son éventuel prochain quinquennat ? Ajoutons d’ailleurs que la proposition ne réjouit guère les syndicats d’enseignants, qui dénoncent une “duperie”.

 

Sur ces deux sujets essentiels, difficile de faire confiance aux favoris des sondages. M. Hollande annonce une non-proposition tandis que M. Sarkozy fait une promesse qu’il n’a pas pu concrétisée en cinq ans d’exercice.

 

Vient le long chapitre des polémiques qui se succèdent chaque semaine au rythme… des bévues des uns, des lapsus des autres, et des boutades et quolibets que se lancent quotidiennement les aventuriers du trône élyséen. Dans ce domaine, Marine Le Pen obtient une première place incontestable. Ses déclarations sur le Halal, à titre d’exemple, se sont immiscées dans la campagne au point de monopoliser l’attention des médias pendant plusieurs semaines. Ses affirmations, démenties par la quasi totalité des professionnels du bétail en France, sont d’ailleurs aucunement lié aux préoccupations des Français.

 

 

Ce que les Français veulent


Selon un baromètre de la présidentielle, publié en mars par Opinion Way, les premières attentes des Français concernent ce qui se rapporte à leur portefeuille. Les premières préoccupations sont l’emploi, la protection sociale et le pouvoir d’achat. Quelle place pour le halal ?

Une dépêche de l’agence Reuters est bigrement intéressante. Datée du 12 février, elle titre : “les Français jugent la campagne proche de leurs préoccupations”. Quelques lignes plus bas, le chiffre clef survient : 38% des Français estiment ainsi que la campagne est proche de leurs attentes. Pouvons-nous se réjouir de ce triste score ? Nous sommes dans une campagne présidentielle, un scrutin au suffrage universel va décider dans deux semaines du dirigeant de notre pays pour les cinq années à venir, et “38%” des Français se sentent concernés.

 

Ce qu’en pensent nos voisins


Le 10 avril dans Libération, le correspondant britannique du quotidien The Times pointait du

doigt “une campagne sans thème, ou plutôt avec trop de thèmes qui changent tout le temps. Vu de l’extérieur, les candidats esquivent les principaux sujets : l’économie, notamment le coût du travail, et l’Europe”. Même son de cloche chez Alberto Toscano, un journaliste italien, qui déplore “un manque de débat et une campagne un peu surréaliste”. La une du dernier numéro de The Economist, n’est qu’un exemple de plus du triste spectacle que nos candidats proposent.

 

A qui la faute ?


La faute aux candidats, certes, mais aussi aux journalistes. Oui, les médias sont en crise. Oui, la polémique politico-politicienne fait vendre.  Mais les sondages le montrent, les Français, et surtout les classes populaires, se détournent des enjeux électoraux par dépit. La presse, les radios et les chaînes de télévision devraient balayer d’un revers de manche toutes les petites phrases et les apostrophes des candidats. Ces-derniers n’auraient alors plus de tribune pour invectiver leurs adversaires, et se pencheraient peut-être davantage sur les problèmes des Français, et éventuellement sur les solutions qu’ils proposent. Un pari osé, mais qui pourrait avoir des vertus démocratiques surprenantes.

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