« On nous croit décapités ? Nous respirons encore »

Les élections présidentielles approchant, les candidats se chicanent âprement les clefs de la République. Mais certains électeurs ne peuvent encaisser la “Gueuse.”

 

La monarchie française tombe en 1789. La République s’installe durablement en France à partir de 1870. Et pourtant…

 

“On nous croit décapités, mais nous respirons encore,” s’amuse Alexandre Turpain, jeune militant royaliste. L’Alliance royale, mouvement fondé en 2001, s’est réunie samedi à Paris pour dénoncer “les impostures républicaines.”

 

 

 

 

À la tribune se relaient des historiens, des essayistes et une star de la droite nationaliste : Yvan Blot, ancien député Front National. À leurs pieds, une petite centaine de personnes. Quantité de foulards et cravates à fleur de lys. Une poignée de jeunes et beaucoup de personnes âgées, la brochure Le lien légitimiste fièrement fichée sous le bras.

 

Les “élections,” la “démocratie” ? De la “poudre aux yeux” dans le Régime républicain. Stéphane Piolenc, la vingtaine enroulée d’un foulard blanc, trait distinctif des monarchistes, organise l’évènement. Il est intarissable sur “les mythes et mensonges de la République.”  À l’entendre, cette dernière, née dans le sang, ne ferait que perpétuer le petit règne d’un poignée d’oligarques médiocres.

 

 

 

 

Dans un pays qui se rengorge d’avoir décapité son monarque, comment devient-on monarchiste ? À la manière de Chateaubriand qui “gagne le royalisme (…) comme on attrape la syphilis dans des draps contaminés,” Alexandre explique être devenu royaliste sur l’oreiller. Loin du cliché du royaliste chaste et pudibond. “Nous ne sommes pas des dinosaures,” s’amuse le jeune homme qui étudie en école de commerce.

 

 

 

 

Stéphane approuve : “Nous ne sommes ni des extrémistes, ni des perruques poudrées.” Pourtant les piques lancées par les orateurs contre l’immigration, la peine de mort et les francs-maçons provoquent les hoquets réjouis de l’assistance. L’Alliance a de très bons contacts avec l’Institut Civitas, groupe catholique fondamentaliste. Thomas, militaire, est un ancien de la Légion du Christ. Il souhaite une “restauration morale” par la religion:

 

 

 

 

“Ni droite ni gauche, royal !” L’Alliance Royale refuse toute étiquette et se proclame “au-dessus des partis.” Une volonté d’unité qui se retrouve dans “l’a-dynastisme” de l’Alliance. La couronne de France est disputée par deux familles – les Orléans et les Bourbons -, mais Patrick de Villenoisy, candidat malheureux aux élections présidentielles, refuse de trancher. Il est persuadé que les prétendants sauront s’entendre le moment venu: “Le prince Jean – d’Orléans – et le prince Louis – Bourbon – ne veulent plus s’étriper“:

 

 

 

 

Pendant que l’on discutaille de succession, la “kalachnikov à fleur de lys” – comme l’appelle l’un des intervenants – continue de crachoter. Marianne, symbole républicain, doit rendre gorge. Reynald Secher, historien, s’escrime à démontrer que la République a commis un “génocide” en Vendée:

 

 

 

 

Le ton se durcit encore lorsque Yvan Blot, haut fonctionnaire, prend le micro pour dénoncer “la conspiration des oligarques.” Le pouvoir serait confisqué par une bande d’énarques à oeillères tout droit sortis d’un roman kafkaïen. Sur quoi Olivier Tournafond, professeur de droit, déboule en trottinette, accompagné de son jeune fils, déjà tiré à quatre épingles. Il prêche le retour d’”une société aristocratique” pour mettre fin à la dérive “sexe, argent, pouvoir” des dirigeants français:

 

 

 

 

À l’arrière de la salle, une table croule sous les BD aux noms prometteurs : “les chouans,” “Louis XIV.” À leur côté trône une pile de livres à couvertures noires énumérant  les “horreurs républicaines.” On peut acheter une petite fleur de lys ou un Sacré-coeur à épingler au veston et pourquoi pas le livre 10 bonnes raisons de restaurer la monarchie. Que l’on retrouve sous le bras de Dominique, musicien à l’allure de rebelle. Il est venu au royalisme après avoir entendu Thierry Ardisson, animateur de télévision, en faire l’éloge. “C’est une nouvelle façons d’être rebelle,” explique-t-il avant d’entonner une chanson royaliste:

 

 

 

 

À quelques semaines des élections, Renaud Dozoul, essayiste et “royaliste depuis l’âge de quatre ans” s’étire avec délice. Les chamailleries des “gestionnaires” – entendre “candidats” – l’amuse. Il monte à la tribune en fin de journée et remarque que les élections divisent un pays dans lequel, faute de roi, le “plus petit dénominateur commun est… Yannick Noah,” personnalité préférée des français.

 

 

 

 

Et Dozoul de conclure en levant les yeux :  ”Gardez l’espoir, le retour du roi est inscrit là-haut…” Le dernier carré, qui n’a pas cédé à l’attrait des premiers rayons de l’été, applaudit, la tête dans les étoiles.

 

 

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